Par Damian Carrington et les reporters de The Guardian
Article original : https://www.theguardian.com/environment/2021/oct/31/reasons-to-be-hopeful-the-climate-solutions-available-now
(Traduction : Jean Bourdariat)
Nous avons les outils nécessaires pour faire face à la crise climatique. Voici ce que font quelques secteurs clé.
L’urgence climatique est la plus forte menace sur la civilisation à laquelle nous ne nous sommes jamais heurtés. Mais il y a de bonnes nouvelles : nous avons déjà tous les outils pour y faire face. Le challenge n’est pas d’identifier les solutions, mais de les mettre en œuvre à toute vitesse.
Quelques secteurs clés sont en tête de la course, comme les véhicules électriques. Ils sont déjà meilleur marché à posséder et à utiliser dans de nombreux pays, et quand leur prix égalera celui des véhicules à carburant fossile dans les toutes prochaines années, un boulevard s’ouvrira devant eux.
L’électricité produite par les énergies renouvelables est maintenant la moins chère dans beaucoup d’endroit, quelques fois elle est même meilleur marché que celle produite par les centrales au charbon en activité. Il y a encore un long chemin à suivre pour répondre à l’énorme demande mondiale d’énergie, mais la baisse du coût des batteries et des autres dispositifs de stockage est de bon augure.
Et beaucoup d’entreprises sont entrain de réaliser que ne pas investir sera bien plus couteux au moment où les impacts du réchauffement global vont détruire les économies. Même les plus gros pollueurs comme le ciment et l’acier ont le mot « vert » peint sur le mur.
La construction est un gros émetteur, mais la solution – une plus grande efficacité énergétique – est simple à réaliser et réduit les dépenses des occupants, en particulier avec le coût de technologie comme les pompes à chaleur qui devrait baisser.
Arrêter la déforestation ne demande pas de technologie du tout, mais une action gouvernementale est nécessaire. On progresse peu – il y a même un recul de la protection dans le Brésil de Bolsonaro – mais des pays comme l’Indonésie ont montré que la régulation peut être efficace. Protéger et restaurer les forêts, particulièrement en responsabilisant les peuples indigènes, est un outil puissant.
Le rôle de l’alimentation et de l’agriculture sur le changement climatique est bien reconnu, et les solutions, des alternatives à la viande à l’agriculture durable (regenerative farming), ont commencé à se développer. Comme pour les combustibles fossiles, en finir avec le gaspillage et les subventions est la clé, et il y a ici aussi des raisons d’espérer.
Dans la crise climatique, chaque fraction de degré est importante, et donc chaque action réduira la souffrance des gens. Chaque action rend le monde plus propre et plus agréable à vivre, – par exemple en réduisant la pollution de l’air qui tue des millions de personnes chaque année.
Le vrai carburant de la transition verte est une combinaison des ressources les plus utiles et intangibles : la volonté politique et les compétences. La disponibilité de ces ressources augmente avec les demandes d’action des jeunes militants et des dirigeants, elles doivent être utilisées pour écarter de puissants groupes d’intérêt, comme ceux des secteurs de l’énergie, de l’aviation et de l’élevage. La course vers un future soutenable et bas-carbone a commencé, et la conférence Cop26 montrera quelle accélération nous devons lui donner.
Transport (Gwyn Topham).
Responsable de 14-28% des émissions globales de gaz à effet de serre (GES), le secteur du transport est lent à se décarboner, avec des challenges particuliers dans des domaines comme les vols long-courriers.
Mais des solutions techniques existent, si la volonté, les politiques publiques et l’investissement sont là aussi. La voiture électrique est la plus évidente : les véhicules à essence ou diesel ne seront presque plus produits en Europe dans 10 ans. Les ventes de voitures électriques s’accélèrent partout, comme en Norvège où elles ont plus de la moitié du marché, et les véhicules électriques moins cher venant de Chine ont réduit les émanations des bus. En même temps les moteurs à combustion sont plus efficients et polluent moins.
Les réseaux de bicyclettes et de scooter s’étendent rapidement à mesure que les villes autour du monde font le choix de la micromobilité électrique. Des navires plus propres pour le frêt vont arriver. Le potentiel de l’hydrogène augmente, pour des trains plus propres dont l’électrification est impraticable, à suivre par les navires et un jour, les avions. Les constructeurs aéronautiques attendent un avion électrique court-courrier beaucoup plus tôt. Par-dessus-tout, la pandémie qu’un monde sans hypermobilité était possible, – et que beaucoup de gens accepteront, ou même, choisirons, une vie avec moins de trajets et moins de voyages.
Déforestation (Patrick Greenfield).
La déforestation et le changement d’usage des terres est la seconde plus grande source d’émission de GES par l’homme. La destruction des forêts du monde s’est poursuivie à un rythme inchangé pendant la pandémie, des millions d’hectares ont été perdus, en premier lieu dans la forêt brésilienne.
Mais il y a des raisons d’espérer. Le Royaume-Uni a mis la nature au cœur de sa présidence de la Cop26 et dans les coulisses le gouvernement met la pression pour l’investissement et pour de nouveaux engagements des nations ayant de grandes forêts, afin de protéger les derniers puits de carbone. C’est la cas en Indonésie et en Malaisie, qui furent des points chauds de la déforestation, où on observe ces dernières années une réduction significative grâce aux règles limitant les plantations de palmiers à huile. Cependant le moratoire des années 2000 sur le soja au Brésil montre que ces tendances sont réversibles. Enfin, les communautés indigènes sont de mieux en mieux reconnues pour protéger les forêts et la biodiversité de la planète. Face au racisme et à une violence ciblée, un nombre croissant d’études et de rapports montre qu’ils sont les meilleurs gardiens de la forêt. Responsabiliser ces communautés pour mettre fin à la déforestation est vital.
Technologie (Kari Paul).
Les émissions des entreprises de technologie, incluant les émissions directes, les émissions provenant de l’usage de l’électricité et la fabrication comptent pour 0,3% des émissions de CO2, tandis que les émissions provenant de cryptomonnaies sont un enjeu de plus en plus important.
Mining – le processus par lequel un bitcoin est transmis à un ordinateur pour résoudre une série complexe d’algorithmes – est un processus hautement énergie-intensif, qui ne peut que devenir encore plus consommateur d’énergie à mesure que les algorithmes se complexifient. Mais de nouvelles méthodes de mining sont plus légères sur le plan environnemental. Un système nommé « proof of stake » a une empreinte carbone diminuée de 99%.
La surveillance de tous le secteur se renforce, menées par les employés de ces entreprises qui ont rejoint par centaines les manifestations contre le changement climatique en 2019. Les entreprises ont promis de faire mieux : Amazon vise le net zéro carbone en 2040, et une énergie 100% renouvelable en 2025. Facebook a un objectif d’émissions net zéro pour toute sa supply chain en 2030, tandis que Microsoft a promis d’être carbone négatif en 2030. Apple s’est engagé à rendre sa supply chain neutre en carbone en 2030.
Leurs réalisations sont encore en-dessous de leurs objectifs, mais les groupes d’employés continuent à mettre la pression.
Business (Dom Rushe).
Depuis de décennies, Exxon Mobil a été en tête des négationnistes du changement climatique. Mais cette année, l’investisseur activiste Engine N°1 a obtenu 3 sièges au board de la compagnie, avec l’objectif de forcer Exxon Mobile a reconnaître enfin la crise climatique et à y faire face.
Il y a des signes de changement dans toutes les entreprises aux Etats-Unis et dans le monde. La Réserve Fédérale, la plus puissante banque centrale du monde, est entrain de muscler son équipe climat. BlackRock, le premier investisseur mondial, a fait de la soutenabilité environnementale l’objectif central de la compagnie.
Ce n’est pas de l’idéologie : c’est du bon sens. Selon BlackRock, échouer à combattre le changement climatique serait simplement mauvais pour les affaires. Cet investisseur a calculé que 58% de l’économie américaine sera en déclin en 2060-2080 si on ne fait rien.
Il y a beaucoup plus à faire, et certains se demandent si les entreprises américaines peuvent résoudre la crise sans l’aide de l’Etat. Mais le temps du dénis est terminé – ce qui compte maintenant est l’action.
Electricité (Jilian Ambrose).
La flambée du prix du gaz s’est propagée dans toutes les économies du monde, provoquant la fermeture d’entreprise et des blackouts en Chine, menaçant la reprise économique à la sortie de la pandémie du Convid-19.
Mais elle est aussi un cas d’école pour que les gouvernements redoublent leurs efforts pour développer leurs propres systèmes de production électrique bas-carbone.
La bonne nouvelle est que les énergies renouvelables sont prêtes pour changer d’échelle et jouer un plus grand rôle dans les systèmes électriques partout sur la planète.
La baisse rapide du prix de l’énergie éolienne et solaire a encouragé les nouveaux investissements dans les véhicules électriques et les technologies de stockage d’énergie. Prochainement, l’énergie du vent et du soleil permettront de produire de l’hydrogène vert, que l’on pourra stocker pendant de longues périodes pour générer de l’électricité pendant les jours sans soleil ou sans vent.
Tous ces progrès sont rendus possibles par des énergies renouvelables bon marché, qui aideront les pays à utiliser encore plus d’énergie renouvelables. Il n’y a jamais eu de période plus favorable pour sortir du gaz et devenir vert.
Construction (Oliver Wainwright).
L’espace construit est l’un des secteurs les plus pollueurs, responsable de 40% des émissions globales de carbone.
Au cours des deux dernières décennies, l’empreinte carbone de l’utilisation des bâtiments s’est réduite grave aux techniques d’économies d’énergie – meilleure isolation, triple vitrage, panneaux solaires et pompes à chaleurs géothermiques. Le Royaume-Uni est très en retard sur les pompes à chaleur : la Norvège, grâce à une mix d’aides financières et de prix élevé de l’électricité, a équipé plus de 600 pompes à chaleur pour 100 foyers.
Alors que le réseau électrique nationale se décarbonise, l’accent est mis sur la réduction de l’empreinte carbone des matériaux – qui compte pour les ¾ des émissions d’un bâtiment sur son cycle de vie – par exemple en remplaçant une partie du ciment et de l’acier par le bois.
Il y a aussi un mouvement émergent pour donner la priorité à la rénovation et à la réutilisation plutôt que démolir les anciens bâtiments, car on se rend compte que les bâtiments les plus soutenables sont ceux qui existent déjà.
Alimentation et agriculture (Tom Levitt).
L’empreinte de l’industrie de la viande et de l’élevage est importante, comptant pour 14% des émissions annuelles totales de GES. Mais le problème est de plus en plus reconnu et accepté par les gouvernements nationaux.
La Nouvelle-Zélande s’est maintenant engagée légalement à réduire de 10% en 2030 les émissions de l’agriculture, de même que le Danemark qui lui s’engage à réduire les émissions de 55% en 2030.
Alors que la production globale de viande augmente, on observe une croissance de la consommation de poisson et de volailles, qui ont comparativement une empreinte carbone moindre que la viande rouge. L’industrie alimentaire est entrain de développer une gamme de produits bas-carbone utilisant des protéines végétales comme le soja et les pois, et des alternatives à base d’insectes et de viande produites en laboratoire.
Industrie (Jasper Jolly).
Décarboner la fabrication de tous les produits dont une économie moderne a besoin est une tâche vaste et variée. Plusieurs secteurs sont sur la voie. Par exemple Apple, le premier fabricant de téléphones du monde, a promis que sa production serait zéro-carbon tout au long de sa supply chain en 2030.
Pour beaucoup d’autres, les progrès d’efficience des usines et des produits seront obtenus par l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle. Il y a même des signes positifs dans des secteurs difficiles à décarboner, comme le plan de Volvo de remplacer le charbon par l’hydrogène pour produire l’acier utilisés pour les voitures ;
Une des premières raisons d’optimismes est la conscience croissance des fabricants de l’importa,ce des principes de l’économie circulaire. Concevoir des produits facile à recycler depuis le début aidera à réduire les émissions dues à l’extraction de ressources nouvelles – quoique la grande question qui reste est si les sociétés les plus riches pourront réduire leur consommation, ce qui est la manière la plus efficace de réduire les émissions ?