Le Monde : « Le mot “sauvage” fait rêver » : ces nouveaux Robinson en quête de sens, par Anne-Lise Carlo
Enquête : Savoir allumer un feu, parvenir à l’autosuffisance, retrouver le sens de l’existence. Ceux, peu nombreux, qui sacrifient leur confort pour « se réensauvager » en pleine nature en restent marqués à vie.
Trois cents jours seul sur une île déserte en plein océan Pacifique. C’est le temps qu’a réussi à tenir le Suisse Xavier Rosset, embarqué en 2008 dans une « robinsonnade » des plus extrêmes. Tofua, sur laquelle il a vécu, est une île sauvage et volcanique de l’archipel des Tonga. Elle est inhabitée depuis plus de trente ans. C’est ici qu’un des épisodes de la mutinerie des révoltés du Bounty se déroula, en 1789. Mais ce décor hostile n’a pas effrayé ce grand sportif qui a dû vivre, sur place, de ce qu’il réussissait à pêcher ou de ce qu’il cueillait, armé d’un unique couteau (suisse, évidemment) et d’une machette. « Mon but était de découvrir une nouvelle manière de vivre en faisant un retour à la nature radical », se souvient Xavier Rosset. Dans sa cabane construite en feuilles de cocotier, son aventure a très vite tourné façon Vendredi ou les limbes du Pacifique, le célèbre roman de Michel Tournier, sorti en 1967. « J’ai été fasciné de voir à quel point mon instinct naturel revenait au fil des jours sur Tofua. J’étais en mode survie, je ne me projetais pas au-delà de vingt-quatre heures. Je ne vivais que pour boire et manger »,raconte-t-il encore. Le Suisse tient bon. Jusqu’au jour où il se blesse et doit se soigner lui-même pour guérir d’une plaie très inquiétante à la main. Jusqu’au soir de Noël, qu’il passe tout seul, loin de ses proches.
Chercher le sauvage en soi
Dans L’Enquête sauvage (La Salamandre, 256 pages, 19,90 euros), la journaliste Anne-Sophie Novel propose, elle, une autre voie, moins radicale, mais tout aussi intéressante : chercher le sauvage en soi ou juste à côté, sans forcément entrer en rupture avec son quotidien. Se promener en forêt, jardiner et regarder pousser les plantes, observer les oiseaux… Toutes ces situations banales permettent aussi de sentir la porosité des frontières entre les mondes, le nôtre et le sauvage. « Ce que j’ai compris, avec cette quête du sauvage à la fois personnelle et journalistique, c’est que je devais déjà jongler avec mes propres peurs, comme celle, simple mais profondément ancrée, d’aller marcher seule en forêt par exemple », confie Anne-Sophie Novel. Pour son enquête, la journaliste a rencontré la communauté de l’Ecolectif, un écolieu situé en Haute-Garonne, dans lequel vivent d’anciens médecins, architectes ou ingénieurs qui ont tout quitté pour s’installer avec leurs enfants au sein d’une communauté, en cabane ou en yourte, dans un site rural. Leurs besoins quotidiens sont réduits au strict minimum. « A mon retour, je me suis demandé si j’aurais le courage de vivre une vie aussi radicale. Peut-on revenir à l’essentiel en se mettant ainsi à l’écart ? Je n’ai pas réussi à y répondre », rapporte la journaliste.
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